L'enseignement primaire en Haïti
Du point de vue de l'instruction de base, la situation en Haïti est catastrophique.
Le pays compte près de 75 % d'adultes analphabètes, et une très forte proportion d'enfants et d'adolescents n'a ni les moyens ni la possibilité géographique d'être scolarisée.
Si l'on considère l'ensemble des enfants scolarisés, l'Etat ne parvient à assurer la scolarisation que d'un quart environ de ceux-ci. Ce sont donc les nombreuses écoles privées, religieuses ou laïques, payantes pour la très grande majorité, qui reçoivent le plus grand nombre d'enfants en âge scolaire.
Dans les zones rurales, certaines familles habitent trop loin de toute école pour pouvoir y envoyer leurs enfants, ou s'y prennent trop tard pour les inscriptions, et bien des enfants ne trouvent place ni dans les écoles de l'Education Nationale, ni dans les écoles privées proches de leur domicile, tant ces établissements sont déjà surchargés.
Il arrive souvent que les classes des écoles accessibles à d'autres qu'aux enfants des nantis comptent jusqu'à cent élèves, dans un espace prévu pour trente, et avec du matériel scolaire à peine suffisant pour vingt. Dans ces "pépinières", comme on les appelle à Bois-Pin-Gomme, un malheureux enseignant s'épuise à donner l'illusion d'une école faisant ânonner et répéter par cœur à ses élèves des notions qui restent totalement hermétiques au plus grand nombre, et parfois à l'enseignant lui-même.
Les enseignants mal formés, accablés par un trop grand nombre d'élèves, se contentent souvent d'utiliser des manuels, désuets jusqu'à l'absurdité, qu'ils ont eux-mêmes appris à connaître quand ils étaient élèves, ce qui les incite aussi à pratiquer des méthodes pédagogiques dépassées, répétitives, décourageantes. Citons pour l'exemple un livre de lecture datant de 1941, et un manuel de mathématiques qui donne, dans un énoncé, l'achat d'un porc pour 40 gourdes .
En Haïti, l'un des problèmes les plus lancinants des écoles publiques ou privées, particulièrement en zone rurale, est celui du matériel scolaire. Il n'est pas rare de voir une classe de plus de quarante élèves, dont une douzaine seulement ont en main le livre de lecture, ou de géographie, ou d'histoire nécessaire pour suivre le programme ; certains élèves n'ont même ni plume ni cahier.
Scolariser un enfant représente pour les parents une très lourde charge. Il faut d'abord payer un écolage, mensuel ou annuel (même dans les écoles nationales, il faut payer une finance d'inscription). Ensuite, le port de l'uniforme est pour ainsi dire de rigueur, et la tradition, ainsi que la fierté familiale et surtout celle de l'enfant exigent que les petits écoliers et écolières se présentent convenablement chaussés à l'école. Enfin, dans la grande majorité des écoles, aucun matériel scolaire n'est vendu à des conditions avantageuses ni prêté gratuitement aux élèves .
Dans le milieu rural, l'argent est rare : sur le plan alimentaire, on consomme d'abord ce que l'on produit. Le peu d’argent disponible est d’abord utilisé pour les besoins essentiels. Etant donné son prix, le matériel scolaire n’a pas la priorité et la nécessité pour l'écolier d’en disposer n'est pas toujours clairement perçue par des parents qui n'ont eux-mêmes jamais fréquenté l'école, ou qui ont subi, pendant un ou deux ans au plus, un enseignement basé essentiellement sur la répétition de phrases ou de mots dont le sens demeurait bien souvent énigmatique.
Les parents doivent donc faire face, à chaque rentrée scolaire, à des dépenses considérables pour chacun de leurs enfants scolarisés. Dès lors, on comprend qu’ils choisissent de n’envoyer que certains de leurs enfants à l’école et qu’ils fassent l’impasse sur le matériel scolaire.
En ville comme en campagne, la dégradation de la situation économique des familles entraîne chaque année le retrait de l'école de bon nombre d'enfants qui avaient entamé une scolarité primaire normale. Non seulement les familles ne se trouvent plus en mesure d'assumer les frais de scolarisation, mais, la force de travail représentée par l'enfant est requise pour assurer à sa famille le minimum vital. La déperdition scolaire a ainsi pu être définie comme un fléau national en Haïti.
aide suisse à l’action communautaire en Haïti (ASACH)